Entreprise et Marché

Contrôle des marchandises: l’urgence de revoir le contrat de la SGS

La firme privée suisse dont le contrat est forclos multiplie des manœuvres en vue du renouvellement de son contrat. Le gouvernement sous la houlette du Premier ministre veut voir claire. Décryptage.

Les relations entre le Cameroun et la Société générale de surveillance (SGS) ne sont pas encore rompues en dépit du fait que le contrat liant l’Etat à cette firme privée suisse est arrivé à son terme.  Le contrat signé en 2015 et entré en vigueur en 2016 et déjà renouvelé deux fois sans aucune modification suscite des interrogations, surtout si l’on s’en tient à certaines démarches souterraines entreprises depuis quelque temps par les dirigeants de la SGS avec des complicités au sein de l’administration pour faire valider « une forfaiture » aux plus hautes autorités du pays

Des manœuvres peu orthodoxes qui ont attiré l’attention du Premier ministre, Joseph Dion Nguté qui voudrait en savoir davantage sur ce dossier réputé glissant comme on l’indique dans certains milieux d’affaires. C’est dans cette optique que le 27 février 2023, le Secrétaire général des Services du Premier ministre, Magloire Séraphin Fouda dans une correspondance au ministre des Finances, Louis Paul Motazé, avec pour objet « projet de signature de l’avenant n°1 du contrat PSRD-NG » en référence à la lettre de ce dernier datant du 14 février 2023 est revenu sur ce dossier controversé.

« Faisant suite à votre demande de sortie en vue de conduire une délégation pour la signature avec la SGS de l’avenant n°1 au contrat relatif au programme de sécurisation des recettes douanières de nouvelle génération, j’ai l’honneur de vous faire répercuter les hautes instructions du Premier ministre, Chef du gouvernement d’y surseoir en attendant la maturation concertée du choix politique et stratégique du Gouvernement dans la négociation en cours », a-t-il souligné. 

Selon nos informations, le Premier ministre s’appuyant notamment sur des conventions internationales dont le Cameroun est signataire en matière d’inspection des marchandises et en tenant compte des avancées technologies au sein de l’administration douanière aurait affiché une grande réserve sur la nécessité de procéder en l’état au renouvellement du contrat de la SGS. Cette attitude du Chef du gouvernement  trouve tout son sens dans « la mise en conformité avec les accords signés par le Cameroun dans le cadre de l’OMD (Organisation mondiale des douanes) qui recommande la fin des contrats d’inspection avant embarquement dans tous les pays et le transfert de capacité ; à ce titre alors qu’il y a environ 10 ans il y avait encore de nombreux pays en Afrique qui faisaient appel à des sociétés d’inspection, selon les dires même de l’association faitière seule la Somalie et le Cameroun font encore appel aux sociétés d’inspection ».

Des observateurs se demandent s’il est logique de cumuler inspection avant embarquement (PSRD) et scanner à destination ? En effet, tous les pays ayant mis en place un contrôle à destination par scanner ont mis un terme à l’inspection avant embarquement. D’ailleurs cette disposition était prévue dans le contrat de la SGS qui stipule clairement que la mise en place du scanner entraine la fin du contrôle avant embarquement. C’est d’ailleurs en application des conventions avec l’OMD que les pays comme le Congo, le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Kenya, la Tanzanie, le Tchad, l’Ouganda, la Mozambique, le Malawi, l’Éthiopie, la RCA, le Sénégal, le Ghana, le Liberia, la Sierra Leone, le Benin, le Niger, le Nigeria, le Mauritanie …, ont mis un terme au PVI. Pourquoi le Cameroun ne peut pas en faire de même si ce n’est à cause des intérêts partisans comme le renseignent des sources proches du dossier.

Un contrat onéreux sans valeur ajoutée

Autrement dit, on n’a plus besoin des services de la SGS tels qu’actuellement proposés mais peut-être un nouveau type de collaboration moins couteuse tout aussi efficace garantissant un transfert de technologie. C’est dans ce contexte que fusent de part et d’autre des interrogations au sujet du PECAE qui inclut une inspection avant embarquement. Est-ce que les résultats de ce contrôle ne peuvent pas être utilisés dans le cadre du PECAE notamment du fait d’un contrôle ciblé sur certaines marchandises ? Pourquoi on est passé à un contrôle sur toutes les marchandises ? Est-ce qu’une marchandise peut être soumise au PECAE, au PSRD et au scanner ? La réponse est oui. Est-ce que pour chaque opération l’importateur ou l’exportateur paie une somme à la SGS ? La réponse est oui. N’est-ce  pas un scandale qui pour finir pèse sur le consommateur ? La réponse est oui.

Par ailleurs, peut-on dans ces conditions véritablement parler de concurrence lorsque que le PSRD est confié à la SGS uniquement alors que le PECAE est ouvert à plusieurs opérateurs ? Absolument pas. Pourtant depuis 2019, la quasi-totalité des inspections se fait à distance ce qui entraine un gain de productivité important. Autant les efforts de digitalisation conduisent à des baisses de coûts opérationnels autant  cette baisse n’est malheureusement pas observée au Cameroun. Une dichotomie qui résulte des pratiques de la SGS.

Faute d’avoir apporté de la plus-value à l’économie nationale, la SGS contribue plutôt à siphonner  les caisses de l’Etat à travers ses contrats onéreux car après de quatre décennies de présence dans notre pays, l’on cherche toujours les efforts faits par la SGS pour un réel transfert de compétence et de technologie. Pourtant, ce point figurait dans le contrat et donc pour quelle raison ce contrat se poursuit dans des termes identiques et a déjà fait l’objet de deux renouvellements tacites. Pour sa part, le travail de la SGS n’a pas augmenté en lien avec l’augmentation des honoraires ce qui pose la question de la base de facturation en % des produits achetés. Pendant ce temps, les coûts de la SGS ont augmenté, la facturation des services de la SGS se fait en pourcentage de la valeur des importations. Résultat, l’augmentation des prix des importations a profité à la SGS qui perçoit dans le seul cadre du PSRD près de 20 milliards de FCFA chaque année.

Aux dernières nouvelles, le Premier ministre a demandé un audit dont on espère que les conclusions ne seront pas biaisées pour le grand bien de l’économie nationale.

Encadré

Le respect des accords internationaux

La gravité des faits exposés sur la présence de la SGS au Cameroun devrait amener les autorités camerounaises à prendre toutes leurs responsabilités pour mettre fin à ce partenariat qui apparait clairement comme un frein à la compétitivité de l’économie nationale. Pendant plus de trois décennies de présence dans notre pays, force est de constater que la SGS ne respecte pas toujours les clauses contractuelles pour ne prendre l’exemple que du transfert de technologie.

D’après des témoignages concordants, « le contrôle, la vérification, l’analyse et la certification » sur lesquels la SGS émarge grassement au trésor public peuvent être valablement assurés par l’administration douanière et à moindre coût ce qui permettrait à la fois de poursuivre la modernisation des installations et d’accroître les recettes de l’Etat. En outre, « au regard des avancées numériques dont s’est appropriée l’administration douanière en collaboration avec des institutions dédiées à la facilitation des procédures du commerce extérieur, le gouvernement doit avoir le courage de reconnaître que la SGS n’a plus sa place dans notre pays », soutient-on dans les milieux d’affaires.

Tenant compte des accords signés par le Cameroun dans le cadre de l’OMD, il revient à l’Etat de respecter l’esprit et la lettre de ces conventions internationales. C’est à la fois une question d’honneur et de responsabilité. Des dispositions que les autres pays africains ont pris pour s’élargir des firmes privées occidentales chargées « d’inspection », et dont on rend compte aujourd’hui que la nationalisation des services naguère assuré par les sociétés de même type que la SGS permettent au trésor public de réaliser d’importantes recettes.

Embarquée dans la mouvance des Programmes d’ajustement structurels (PAS) imposés au Cameroun par le Fonds monétaire international (FMI) à la fin de la décennie 1980, la SGS a fait son temps puisque le Cameroun dispose de l’expertise nécessaire pour poursuivre l’inspection des marchandises sur les plateformes portuaires. Plus qu’une question de souveraineté nationale, c’est à la fois une question de rentabilité économique, un respect aux accords internationaux librement souscrits, une valorisation et une confiance au savoir-faire local dont l’expertise en la matière est éprouvée.

Source Le Messager

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