Cameroun-Tchad : les problèmes de pétrole provoquent un clash diplomatique

Vives tensions dans l’air dans le ciel des relations entre le Cameroun et le Tchad, deux pays voisins « unis par l’histoire et la géographie ». Au cœur du problème, des incompréhensions au sujet de la gestion des affaires pétrolières impliquant des entreprises et les deux Etats, ce qui a poussé Ndjamena à hausser le ton en rappelant pour « consultation » son ambassadeur à Yaoundé.
Dans un communiqué datant du 20 avril 2023, le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence tchadienne, Gali Nghote Gatta « informe l’opinion nationale et internationale de la persistance des différends qui se créent entre le Tchad et le Cameroun, notamment au sujet de la prétendue acquisition des actifs de l’ex ESSO par la nébuleuse Savannah Energy. Et ce jour, 20 avril 2023, par voie de presse, le Tchad a appris la signature d’un accord prévoyant la cession par une filiale de Savannah Energy PLC de 10% du capital social de Cameroon oil transportation company S.A (COTCO) en contradiction avec les conventions et les statuts de COTCO, à la Société nationale des hydrocarbures (SNH) du Cameroun ».
Pour mieux comprendre ce différend, il faut remonter au 9 décembre 2022 lorsque la firme britannique Savannah Energy a annoncé avoir acquis des parts d’ExxonMobil, ex ESSO du Tchad. Une transaction commerciale représentant 40% des sept champs pétroliers à Doba dans l’oléoduc qui dessert le port de Kribi en vue de l’exportation du brut tchadien. Entre temps, les autorités tchadiennes qui considèrent Savannah Energy comme une « nébuleuse » où gravitent « de nombreuses personnalités camerounaises et d’autres pays africains qui n’ont cessé d’interférer auprès des officiels tchadiens », a décidé plutôt de nationaliser des actifs d’ExxonMobil, jugeant de « nul effet » les parts acquises par le pétrolier britannique.
Sur un autre registre, le gouvernement tchadien souligne que dans le sillage de l’acquisition des actifs de Pétronas à hauteur de 30 % alors que la compagnie pétrolière malaisienne souhaite quitter le projet Tchad-Cameroun, un dossier en bonne et due forme a été déposé auprès des services en charge de la concurrence de la CEMAC « conformément à la règlementation communautaire en vigueur », à date, seul le Cameroun n’a pas répondu aux lettres de demande d’avis de non-objection alors que ces lettres sont utiles « à la convocation de la commission de la concurrence qui devra statuer sur l’acquisition des actifs de Pétronas par le Tchad ».
D’après des sources, l’achat des parts de Pétronas ferait du Tchad actionnaire majoritaire de COTCO à 55%, alors que s’il avait obtenu également les 40% d’ExxonMobil rachetées par Savannah Energy, cela lui assurerait 95% des parts COTCO, le Cameroun ne conservant que 5%. Autrement dit, le Tchad qui s’attendait au soutien du Cameroun face à la firme britannique est fâché du fait que son voisin a choisi selon toute vraisemblance de soutenir « une nébuleuse » qu’un Etat avec qui il entretient des relations anciennes et multiformes.
Vingt-quatre heures après ces événements ayant provoqué le rappel de l’ambassadeur du Tchad, le gouvernement camerounais n’a pas encore officiellement réagit. Toutefois, au-delà de ce différend pétrolier qu’on tente de minimiser dans certains milieux d’affaires au Cameroun, force est de constater que les deux pays entretiennent de « bonnes relations » qui permettent notamment que plus de 80% des exportations et importations du Tchad – pays d’hinterland- transitent par le port de Douala. D’après des sources, le corridor Douala-Ndjamena génère en moyenne 350 milliards de FCFA (584 millions de dollars) par an, soit 35% du PIB (Produit intérieur brut) des deux pays.
En plus des échanges économiques et commerciaux florissants, de loin les plus importants de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) le Cameroun et le Tchad sont engagés dans plusieurs dossiers bilatéraux et multilatéraux dont des divergences en relevées en sus ne pourraient détruire. Entre autres, la préservation du lac Tchad où les deux Etats sont les plus engagés de la région et des enjeux sécuritaires autour de la lutte contre la secte terroriste nigériane Boko Haram. Une coopération fructueuse qui laisse croire à une désescalade rapide à travers une solution négociée, indiquent des sources diplomatiques.
Avec Financial Afrik