Electricité : vers la renationalisation de la société nationale d’électricité

Les employés et les organisations syndicales du secteur d’électricité sont préoccupés par le projet de renationalisation de la société Energy of Cameroun (ENEO), la filiale du Fonds d’investissement britannique Actis, le concessionnaire du service public d’électricité chargé de la production, de la distribution et de la commercialisation de l’énergie électrique. Avec 44% d’actions au sein d’ENEO, l’Etat du Cameroun entend redevenir l’actionnaire de référence en prenant le contrôle de 51% de parts actuellement détenues par Actis contre 5% de parts pour les employés.
En l’absence d’une communication officielle sur les négociations en cours, « les travailleurs et travailleuses de notre entreprise voudraient être informés de l’avenir de l’entreprise à la suite des informations relatives aux négociations qui seraient en cours entre l’état du Cameroun et l’actionnaire stratégique et majoritaire qui est Actis, et ceci en vue d’un rachat des parts qu’il détient dans le capital de l’entreprise Eneo ». Autrement dit, « on aimerait comprendre les motivations de ce revirement à 190° soit par l’Etat du Cameroun ou de l’actionnaire majoritaire. Ce changement de paradigme n’est-il pas le résultat du non- respect des engagements pris par l’un des acteurs ? Ou alors s’agit-il des contre-performances de l’entreprise ? Dans tous les cas, les travailleurs souhaitent vivement que leur représentant soit pleinement impliqué dans ce processus tout en espérant que leurs intérêts seront préservés et que lesdites négociations trouveront un dénouement rapide et heureux », ont relevé les syndicats.
Selon nos informations, les discussions sont suffisamment avancées entre l’Etat du Cameroun et Actis qui devraient déboucher dans les prochains mois sur le changement de l’actionnariat couronnant en même temps la nationalisation du secteur de production et de distribution de l’électricité. Pour racheter les parts d’Actis, l’Etat du Cameroun s’appuierait principalement sur deux entités publiques, en l’occurrence, la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) et la Société nationale de raffinage (SNH).
Face aux préoccupations des employés, la direction générale d’ENEO tente de rassurer. « Les négociations en cours au sujet des parts de l’actionnaire majoritaire Actis et du rôle des travailleurs. Comme je l’ai déjà dit, c’est une affaire qui se joue au niveau de l’actionnariat. Quelles qu’en soient la forme et la tendance, cela ne change rien dans la gestion et les opérations actuelles de l’entreprise. Si jamais cette transaction est conclue, la participation des représentants des travailleurs sera effective, et cela fera l’objet d’une communication appropriée. Pour le moment, restons mobilisés », a déclaré le directeur général d’ENEO, Patrick Eeckelers.
Pour le moment, le montant de la transaction reste un secret, le dossier étant conjointement piloté par le ministère des Finances et celui de l’Eau et de l’Energie. Même si des négociations sont avancées, l’un des points d’achoppement se situe au niveau de la dette. En effet, Actis estime que le montant des impayés de l’Etat vis-à-vis d’ENEO s’élève à plus de 180 milliards de FCFA (302 millions de dollars); un passif qui devrait évidemment compter dans la transaction finale, alors que l’Etat du Cameroun récuse les chiffres avancés par son partenaire britannique. Plus de vingt ans après la privatisation de l’ex Société nationale d’électricité (SONEL) devenue AES-Sonel suite au rachat par l’Amércain AES Corporation, cette entreprise est tombée dans l’escarcelle du groupe d’investissement britannique Actis dont la filiale ENEO contrôle l’activité depuis une décennie.