Culture et Société

Patrimoine et développement: Le Mbog Liaa à la croisée des chemins

Le 22 avril 2023 restera-t-il une date mémorable pour l’Association culturelle Mbog Liaa dont les membres, adhérents et sympathisants se recrutent majoritairement dans l’aire culturelle Bassa-Mpoo-Bati (BMB) ? Trouver une bonne réponse à cette interrogation permet de comprendre si les objectifs déclinés ont été atteints lors de ces retrouvailles. Sous le prisme du rassemblement des familles, entendez « Adna Matén », le peuple de la grotte mythique de Ngog-Lituba s’est donné rendez-vous à Pouma pour une Assemblée générale officiellement baptisée par ses organisateurs comme celle de la « relance » des activités de Mbog Liaa.

Evidemment, pour lever toute équivoque il y a eu Assemblée générale. Sans doute, un pari tenu par le bureau intérimaire conduit par Mbombog Malet Ma Ndjami Mal Njam qui avait pris les rênes de l’Association après le décès en 2021 du président Gérôme Minlend. Au-delà du contenant que constitue l’organisation desdites assises, c’est indéniablement le contenu qui en découle qui importe de retenir, puisque c’est lui qui forge l’avenir. Et patatras…C’est donc loin d’être un hasard que des voix épousant des colorations divergentes s’élèvent, nombreuses, par certaines de milliers certainement pour dire que « ce qui s’est passé à Pouma n’est pas digne des Bassa-Mpoo-Bati ». Autrement dit, le bureau de Mbog Liaa issu des récentes assises n’aurait pas suffisamment d’atouts pour incarner la force de réflexion et de propositions souhaitée dans un contexte où des enjeux de toutes sortes nécessitent pour de tels regroupements des « leaders charismatiques capables de représenter valablement les Bassa-Mpoo-Bati dans le concert national ».  

Urbi et orbi, plusieurs griefs ont été relevés contre les organisateurs au rang desquels « le caractère impréparatoire de la réunion, l’absence de mobilisation des familles, socle pourtant sur lequel repose le Mbog Liaa, des divergences apparues en grand jour entre la confrérie des Ba Mbombog et les organisateurs, la mise à l’écart de l’élite, l’absence d’une osmose entre toutes les entités traduite par la non-implication des Mpoo et des Bati, des frictions constatées dans l’entité Bassa, un ordre du jour taillé sur mesure avec pour unique l’élection d’un nouveau bureau, pas de bilan pour le bureau sortant, pas de plan d’action pour  lequel on devrait élire l’exécutif, bref une volonté affichée par le bureau intérimaire de s’adouber coûte que vaille, y compris au détriment de l’avenir de Mbog Liaa ». Ils l’ont déploré en des termes plus ou moins crus ou diplomatiques.

Qu’il s’agisse des Mbombog Joseph Antoine Bell, Mbengan Nkaïnjé, Hervé Emmanuel Nkom, leurs Majestés Ndong Tchombè chef du canton Adié, Meka, président en exercice de l’Association coutumière des Elog-Mpoo (ACTEM), les dignitaires du Nkam ou de l’Océan sans oublier les autres intervenants et le grand public. Conséquence, même des conseils avisés des sommités intellectuelles et des patriarches ou ceux de Mgr Jean-Bosco Ntep, évêque d’Edéa par ailleurs conseiller du présidium n’ont pas été pris en compte pour une transition demandée en clameur…

Pourtant concordent des témoignages, au cours des débats, il s’est dégagé une idée dominante et fédératrice, mieux, une large convergence de vues instant d’accorder un mandat transitoire de deux ans au bureau afin de lui permettre de « ratisser large » ; ce travail de terrain et de fourmi devant notamment favoriser de « resserrer les liens de fraternité à travers le regroupement des familles « Adna Matén » et de promouvoir l’esprit de mutualisation, développer la culture du travail en commun » avant d’envisager l’organisation d’une Assemblée générale élective consensuelle. Pour les tenants de cette thèse, « le bureau intérimaire avait un agenda caché, celui de se maintenir par tous les moyens au pouvoir ». Ils en veulent pour preuve, « aucun bilan du bureau sortant n’a été présenté, l’absence d’un fichier électoral, l’attitude réfractaire des organisateurs à la moindre remarque, le tout concourant pour eux de passer en force comme ils ont fini par réussir », entend-on çà et là.

Le bureau rassure, des interrogations fusent…

Dans un contexte qui s’apparente à un concert de contestations, voire de protestations, que faut-il attendre du bureau nouvellement désigné pour un mandat de quatre ans « non renouvelable »? Beaucoup de choses certainement, apprend-on. Pour preuve, le nouveau président « heureux » du choix qui a été porté sur lui sait pertinemment que « son peuple n’est pas facile ; un peuple rigoureux, un peuple qui aime la droiture, un peuple qui aime éprouver ceux à qui il confie des missions difficiles ». Le diagnostic étant fait, ceci paraît comme un avantage pour lui et son équipe d’autant qu’il en est conscient du fait que « le peuple Bassa est riche, divers, varié vaillant et difficile à vaincre ».

En « fin » connaisseur du caractère « teigneux » de ses congénères, il doit sans doute savoir ce qui lui reste à faire pour ne pas « tuer » le Mbog Liaa comme semblent prédestiner ses contradicteurs. En tout état de cause le nouveau bureau qui a déjà tracé sa feuille de route sait mieux que quiconque où il va. Illustration, pendant leur mandature, il sera notamment question de « remettre toutes les choses en place sur le plan constitutionnel, réviser les textes qui datent de 28 ans et les adapter au temps, la sauvegarde, la protection et la valorisation du patrimoine matériel et immatériel, faire de Ngog-Lituba un repère spirituel, renforcer les liens de fraternité et de solidarité des Bassa-Mpoo-Bati en déliquescence ». Un travail herculéen, mais pas impossible rassure-t-on. 

Paradoxalement, à peine élu, et pendant que le nouveau bureau est déterminé pour fixer le cap, la clameur n’a eu de cesse de monter pour demander l’organisation d’une assemblée générale dans deux ans maximum ; objectif, « corriger » des manquements « criards » constatés au sein de l’exécutif. Autrement dit, malgré un mandat légitimé de quatre ans, pour une écrasante majorité des Bassa-Mpoo-Bati, seule l’idée d’une transition prédomine, voire demeure. Dans ce contexte, le nouveau saura-t-il tirer son épingle du jeu ? D’aucuns seraient-ils prêts à lui glisser des peaux de banane pour précipiter un échec que d’aucuns pensent inéluctable ? Choisi dans « l’incompréhension » ce bureau aurait-il le charisme nécessaire pour rassembler et porter des aspirations de tout un peuple ? Choisira-t-il de jeter l’éponge en cas d’une non-adhésion populaire des familles ? Ce bureau va-t-il s’entêter à « gérer » son mandat de quatre ans quitte à aller droit au mur ? Faut-il envisager « une révolution de palais » qui provoquerait au plus vite la désintégration de l’actuel bureau ?

Ce questionnement a tout son sens au regard de la césure observée au sein de cette communauté depuis le 22 avril dernier. Une chose est sûre après le premier président Léonard Claude Mpouma, puis Gérôme Minlend, Malet Ma Ndjami Mal Njam et son équipe sont très contestés. Le dire n’est que faire un simple constat du sentiment prédominant au terme des récentes assises. Cependant le bureau pourrait-il retourner cet « handicap » en avantage à travers des actions palpables qui puissent amener les uns et les autres à lui apporter leur totale onction ? Une chose est sure, au sortir de cette « Assemblée générale de relance », l’avenir de Mbog Liaa, à défaut d’être en pointillé est au minimum à la croisée des chemins.

Dans ce concert d’égos, les prochains mois ne tarderont pas à montrer le sens du vent, mettant les uns et autres d’accord dans un sens ou dans un autre. En observateur averti, je voudrais être démenti tant le risque est malheureusement élevé de voir le Mbog Liaa sombré parce que pris en otage par des intérêts égoïstes au détriment du rassemblement et du développement des « Adna Matén » qui est son principal objectif. Il est dommageable que pendant qu’on sombre ici pour un nombrilisme exacerbé, ailleurs, on avance parce qu’on sait faire foule. Quel gâchis !   

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