Economie et Finance

Fraudes : la SGS au banc des accusés

Des informations persistantes font état de fraudes massives entrainant de grosses pertes pour l’économie nationale. Le gouvernement prescrit un audit sur la gestion de la Société Générale de Surveillance (SGS). Un cocktail explosif au moment où cette firme privée suisse fait feu de tout bois pour le renouvellement de son contrat. Enquête.

Le climat social au sein de la Société générale de surveillance (SGS) est loin d’être des plus serein concordent diverses sources. Déjà délétère pour des raisons de gouvernance, la situation se serait fortement dégradée depuis que l’on évoque avec insistance les présumées « fraudes massives ». Des distractions de fonds qui, en plus de priver l’Etat d’importantes ressources financières, pourraient entrainer une crise sociale aux conséquences imprévisibles.

Malgré des accusations de fraudes imputées à la SGS, force est de constater une absence de réactivité des responsables de cette entreprise à communiquer, ce qui participe à entretenir le flou et l’incertitude. Autrement dit, les dirigeants de la SGS auraient-ils des choses à cacher, ou tout au moins, se reprocheraient-ils de quelque chose pour afficher ce mutisme ? D’après des témoignages, cette attitude est considérée comme une volonté délibérée pour entretenir la confusion. Pourtant, la situation sociale se dégrade de jour en jour, des fraudes évoquées contribuant davantage à alourdir un climat social déjà délétère.

Compte tenu de ce qui apparaît comme une « attitude condescendante » des dirigeants de la SGS, mieux, une « volonté délibérée » de contourner des informations persistantes sur des fraudes massives qui secouent cette entreprise, les pouvoirs publics ont intérêt de prendre des dispositions appropriées pour éviter le pire. Autrement dit, le gouvernement est-il au courant de la situation réelle qui prévaut à la SGS ? Le gouvernement a-t-il une idée précise de l’impact du préjudice subi par le trésor public ? Qu’entendent faire les autorités pour l’optimisation et la sécurisation des recettes de l’Etat ?  

Quoiqu’il en soit, ces accusations de fraudes massives à la SGS remettent au goût du jour la problématique du contrôle des marchandises en territoire camerounais dévolue à cette entreprise privée suisse. Au moment où le gouvernement s’apprête à se prononcer sur le renouvellement du contrat souhaité par la SGS, il est important de tenir compte des réalités du terrain.  

Préjudice pour le trésor public  

Selon des enquêtes, les fraudes massives à la SGS ne datent pas d’aujourd’hui, décriées depuis quatre décennies, période qui correspond à la présence de cette firme privée suisse au Cameroun. Toutefois, le phénomène est en train de prendre des proportions inquiétantes, d’où ce tollé général. Des sources concordantes font état d’un réseau bien huilé. Le préjudice pour le trésor public est énorme, estimé à plusieurs milliards de FCFA.

Au cours du premier semestre de l’année, une fraude massive a été découverte sur les Déclarations d’importation (DI) impliquant plusieurs agents. L’audit mené par Jerry Hart a formellement identifié un réseau de fraudeurs, dont des méthodes consistaient entre autres, à créer avec de fausses factures des DI permettant la sortie de devises tandis que pour d’autres, le stratagème consistait de passer des DI de soumises à non soumises

C’est dire qu’au-delà de l’identification des vrais cerveaux du « gang » l’enquête pourrait permettre surtout d’évaluer des pertes enregistrées par le trésor public. Parce qu’il s’agit d’une atteinte au patrimoine public, le gouvernement devrait prendre des mesures appropriées pour mettre fin à la spoliation de l’Etat.    

Le gouvernement prescrit un audit

Selon toute vraisemblance, le gouvernement ne pouvait plus rester indifférent au regard de la situation délétère qui prévaut à la SGS. Le Ministre des Finances, Louis Paul Motazé, a annoncé l’ouverture d’une enquête en confiant au cabinet Bekolo & Partners, de conduire un audit sur la gestion de la SGS. A priori, il s’agit d’une initiative judicieuse qui espère-t-on permettra de confirmer l’opacité entretenue par la SGS dans ses différentes opérations. De quoi nourrir l’espoir que cet audit ne sera pas une simple démarche motivée pour « noyer le poisson », mais qu’elle permettra de démasquer des pratiques frauduleuses imputées de manière constante et concordante à la SGS.

En effet, des témoignages concordent sur un fait : le mal est profond, car le processus de contrôle et de vérification des marchandises est englué dans une opacité indescriptible. C’est dire qu’il est attendu du cabinet charger d’auditer la gestion de la SGS, « un travail sans complaisance » avec de nouvelles révélations s’il y a lieu, et au minimum, la confirmation de fiables indices de détournements de fonds au détriment de l’Etat, toutes choses qui prouvent que la SGS a failli dans ses missions.

En relation avec cette actualité, le Directeur général des Douanes (DGD), a signé une note de service le 26 septembre 2023 « portant rappel de certaines dispositions relatives au Programme de Vérification des Importations ». Dans sa note, Fongod Edwin Nuvaga souligne notamment qu’« il m’a été donné de constater une augmentation graduelle inexpliquée des importations non couvertes par les Déclarations d’importation (DI) et Rapports sur la Valeur et le Classement tarifaire (RVC), conformément aux exigences du Programme de Sécurisation des Recettes Douanières (PSRD) ». Aussi, précise-t-il, « pour mettre un terme auxdites pratiques qui rament à contre-courant de la sécurisation des recettes de l’Etat », il a rappelé les dispositions de l’instruction n° 00605/MINFI/CAB du 30 novembre 2016 fixant les modalités d’exécution du Programme de Vérification des Importations (PVI) auxquelles les services et les usagers devraient s’en tenir.

Après avoir souligné les modalités d’importation de marchandises sur la valeur FOB, ainsi que les dispositions de la loi, le DGD rappelle que pour compter du 1er octobre 2023, les contrevenants s’exposent à la réglementation en vigueur.

Pour nombre d’observateurs, compte tenu des fraudes entretenues par la SGS et dont le préjudice est énorme pour l’Etat, il serait plus indiqué que le contrat de la SGS soit purement et simplement résilié d’autant que le Cameroun dispose désormais d’une technologie d’appoint permettant de nationaliser le contrôle et la vérification des marchandises.

L’expertise nationale

Après quatre décennies de présence au Cameroun, la mission de contrôle et de vérification des marchandises dévolue à la SGS n’a plus sa raison d’être, tout au moins dans sa forme actuelle. Ce changement repose principalement sur deux raisons. D’abord, la mise en conformité avec les accords signés par le Cameroun dans le cadre de l’OMD (Organisation mondiale des douanes) recommande la fin des contrats d’inspection avant embarquement dans tous les pays et le transfert de capacité ; à ce titre alors qu’il y a environ 10 ans il y avait encore de nombreux pays en Afrique qui faisaient appel à des sociétés d’inspection, actuellement, seuls le Cameroun et la Somalie font encore appel aux sociétés d’inspection, fait observer l’OMD.

Selon des informations, en application des conventions avec l’OMD, les pays comme le Congo, le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Kenya, la Tanzanie, le Tchad, l’Ouganda, la Mozambique, le Malawi, l’Éthiopie, la RCA, le Sénégal, le Ghana, le Liberia, la Sierra Leone, le Benin, le Niger, le Nigeria, le Mauritanie …, ont mis un terme au Programme de Vérification des Importations (PVI). L’on se demande pourquoi le Cameroun s’entête à s’y conformer.

La deuxième raison qui devrait pousser l’Etat du Cameroun si ce n’est à résilier, à revoir amplement le contrat avec la SGS repose sur les avancées technologiques que proposent les institutions régaliennes. D’après des témoignages, à travers le système d’informations du Cameroon Customs Informations (CAMCIS), la douane dispose d’une technologie innovante en mesure de remplacer la SGS dans le contrôle et la vérification des marchandises. A cela s’ajoutent les avancées de la digitalisation des procédures du commerce extérieur dont le Guichet unique (GUCE) l’organisme dédié fait montre de pionnier. A partir de la plateforme électronique e-GUCE, il suffit d’un clic indépendamment du lieu qu’on se trouve pour effectuer ses procédures en temps réel. Le Port Autonome de Douala (PAD) a énormément amélioré son Système d’informations (SI), de même que le Conseil National des Chargeurs du Cameroun (CNCC) à travers le Bordereau électronique de suivi des cargaisons (BESC) sont en mesure de relever le défi. Ces innovations technologiques avec valeur ajoutée amènent à s’interroger sérieusement sur l’utilité de la présence de la SGS au Cameroun.

Dans certains pays à l’instar du Nigeria ou de la Côte d’Ivoire, des données statistiques actualisées renseignent que la résiliation des contrats avec des sociétés de contrôle a fait progresser des revenus de l’Etat de près de 50%. Il est évident que le Cameroun qui dispose d’une technologie d’appoint pourrait réaliser les mêmes résultats sinon davantage. Au regard de ces réalités, le Gouvernement devrait se montrer pragmatique mettant en avant l’expertise nationale qui a fait ses preuves en lieu et place de toute considération partisane. 

                                                         Avec Le Messager

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