Cameroun-Tchad : la SNH revendique 35 % de l’actionnariat de COTCO
Le ciel des relations économico-diplomatiques entre le Cameroun et le Tchad est loin d’être si bleu en dépit de la décision des autorités tchadiennes rétablissant le 7 juin 2023 dans ses fonctions à Yaoundé, l’ambassadeur plénipotentiaire rappelé dans son pays en avril dernier pour « consultation ». C’était en signe de protestation à un différend opposant les deux Eats au sujet de l’exportation du pétrole tchadien via le territoire camerounais.
Visiblement, le mano à mano est loin d’être terminé, puisque la Société Nationale des hydrocarbures (SNH) qui avait récemment porté à 15% ses parts dans l’actionnariat de la société Cameroon Oil Transportation Company (COTCO) suite à l’acquisition de 5% des parts de la société Savannah Midstream Investment Limited (SMIL) revendique plus de 35 % d’actions dans l’actionnariat de COTCO. Sauf qu’au même moment, le Tchad a annoncé la nationalisation de cette entreprise pour contrôler les 100% de parts notamment après le rachat des actions de Petronas et d’ExxonMobil.
Dans une correspondance frappée du sceau de confidentialité au ministre tchadien des Hydrocarbures et de l’Energie datée de 02 juin 2023 avec pour objet « COTCO SA », l’administrateur directeur général de la SNH, Adolphe Moudiki, récuse en des termes clairs et précis, l’assemblée générale des actionnaires de COTCO qui « se serait tenue le 24 mai 2023 » à Paris (France) et « aurait entre autres, décidé de la révocation, avec effet immédiat de tous les administrateurs représentant Savannah Midstream Investment Limited ». Ainsi, par la présente en sa qualité d’actionnaire de COTCO pour le compte de la République du Cameroun, la SNH « vous demande de bien vouloir lui faire tenir les résolutions auxquelles vous faites référence, accompagnées de la convocation à cette assemblée générale et de la résolution du conseil d’administration approuvant votre ordre du jour », précise-t-il.
Toujours en relation avec cette actualité, la SNH note qu’à travers l’acquisition de Petronas Carigali Tchad Exploration & Production Inc par la Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT), la République du Tchad s’est appuyée sur un certain nombre d’irrégularités, entre autres, le maintien au sein du conseil d’administration de COTCO pour obtenir l’accord de la CEMAC. Une démarche « irrégulière » de la partie tchadienne perçue par la SNH comme une réelle volonté de nuire aux excellentes relations fraternelles qui ont toujours existé entre le Cameroun et le Tchad.
« Aussi, afin de matérialiser le vœu de nos deux chefs d’Etat d’un rééquilibrage de la participation des Etats dans COTCO, je formule pour le compte de la République du Cameroun et conformément au mandat que le Président de la République du Cameroun, Son Excellence Paul Biya, m’a confié en la matière, la demande du Cameroun d’une rétrocession à son profit de 20% des 53% détenus par le Tchad dans le capital social de COTCO », a-t-il insisté.
Selon des sources, la SNH est certainement consciente des enjeux géostratégiques que représente cet oléoduc ; car bien que le pétrole soit tchadien, il ne faut pas perdre de vue que sur ce pipe-line Tchad-Cameroun long de plus de 1000 km, plus de 90% dudit ouvrage traverse le territoire camerounais. Ce qui devrait amener le Cameroun à se montrer assez regardant. Compte tenu de ces aspects et de bien d’autres, la SNH estime qu’il faut redéfinir l’actionnariat au sein de COTCO. Dans ce sillage, « la participation des deux Etats qui en découlerait serait de 35,17% pour le Cameroun, et 33,77% pour le Tchad en ligne avec leurs participations initiales dans le projet, à savoir 8,50% pour le Cameroun et 5,00 % pour le Tchad (cf. article 7.1 des statuts de COTCO du 19 août 1997 ».
D’un ton courtois mais ferme, l’ADG de la SNH conclu sa lettre en prodiguant des « conseils » au ministre tchadien des Hydrocarbures et de l’Energie : « vous voudrez bien, dans l’attente de l’issue de nos discussions portant sur ce rééquilibrage, veiller à laisser COTCO fonctionner de manière sereine afin d’éviter qu’une éventuelle crise dans l’actionnariat, affecte gravement le fonctionnement de cette société stratégique pour nos deux Etats ». Des rebondissements en perspective.