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Bakassi: 15 ans après la rétrocession suite à l’Accord de Greentree

Le Cameroun a retrouvé la plénitude de sa souveraineté sur la presqu’île de Bakassi au terme d’un différend territorial l’ayant opposé au Nigeria. Paul Biya, Olusegun Obasandjo et Kofi Annan en icônes de paix pour faire triompher la sagesse africaine. Décryptage.

Par Achille Mbog Pibasso

14 août-2008-14 août 2023, cela fait exactement quinze ans que la péninsule de Bakassi, située dans la région du Sud-ouest, a été rétrocédée au Cameroun. L’autorité républicaine –retrouvée- de ce territoire riche en hydrocarbures et en ressources halieutiques définitivement reconnue au Cameroun suite à son annexion par le Nigeria le 21 décembre 1993 est la suite logique de l’accord du Greentree (Etats-Unis) signé le 12 juin 2006. Un document « historique » paraphé par le Président Paul Biya du Cameroun, l’ancien Président du Nigéria, Olusegun Obasandjo et l’ancien Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annan, en présence de quatre Etats témoins à savoir, les Etats-Unis, la République Fédérale d’Allemagne, la France, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

Les termes de l’accord traduisant dans les faits cette rétrocession sont clairs et précis : « il est reconnu par le présent acte que (a) le retrait de l’administration civile et les forces de police de la République fédérale du Nigeria de la zone (Annexe I et Annexe II de l’Accord de Greentree) et (b) le transfert d’autorité à la République du Cameroun sur la totalité de la presqu’île de Bakassi ont été achevés ce jour, jeudi 14 août 2008 » mentionne le document signé dans la localité nigériane de Calabar. En posture de signataires, les chefs de délégation du Cameroun et du Nigeria au Comité de suivi de la mise en œuvre de l’Accord de Greentree, respectivement, Maurice Kamto et Michael K. Aondoakaa, ainsi que Sir Kieran Prendergast, président du Comité de suivi sans oublier les représentants des quatre Etats témoins cités en sus.

Selon une note d’information publiée par la présidence de la République du Cameroun, « L’accord de Greentree s’inscrivait en droite ligne des pourparlers engagés par le Cameroun et le Nigeria sous l’égide des Nations Unies en vue de la mise en œuvre de l’arrêt de la Cour Internationale de Justice (CIJ) du 10 octobre 2002, sur l’affaire du différend terrestre et maritime, reconnaissant la souveraineté du Cameroun sur la péninsule de Bakassi. Avant Greentree, les Chefs d’Etat camerounais et nigérian, sous les auspices de l’ONU représentée par M. Kofi Annan, s’étaient déjà rencontrés à quatre reprises : le 15 septembre 2002 à Saint-Cloud près de Paris, peu avant le verdict de La Haye ; rencontre au cours de laquelle ils avaient convenu de respecter et de mettre en œuvre la décision attendue de la CIJ ; le 15 novembre 2002 à Genève pour une première rencontre tripartite Cameroun-ONU-Nigeria ; le 31 janvier 2004 à Genève encore, rencontre au cours de laquelle les parties s’étaient félicitées des opérations sans heurts de retrait et de transfert d’autorité dans le zone du Lac Tchad. Elles avaient également adopté un programme de travail détaillé de la Commission mixte Cameroun-Nigeria-ONU en vue de la mise en œuvre de l’arrêt de la CIJ. Cette commission devait se réunir alternativement à Yaoundé et à Abuja ; le 11 mai 2005, une nouvelle rencontre tripartite se tint à Genève pour relancer le processus quelque peu crispé après la rencontre avortée de la 13ème session de la Commission mixte ».  

Le triomphe de la sagesse africaine

Il convient de préciser qu’il fut des moments de heurts où la tension montait d’un cran, aussi bien sur « le front de guerre » avec souvent des attaques de l’armée nigériane, que lors des négociations qui n’ont pas été un long fleuve tranquille. Ces tactiques du Nigeria pour torpiller le processus n’ont pas ébranlé la détermination du Cameroun pour une solution pacifique. Ainsi, aux termes de l’accord de Greentree, le Nigeria s’engageait à procéder au retrait de ses forces de la presqu’île de Bakasssi dans les 60 jours suivants, avec un délai supplémentaire de 30 jours si des circonstances exceptionnelles le justifiaient. Ce qui fut fait. En effet, l’article 2 (a) de l’annexe de l’accord précisait aussi que « le Cameroun autorise le Nigeria à maintenir son administration civile et une force de police nécessaire au maintien de l’ordre dans la zone pendant une période non renouvelable de deux ans à compter de la fin du retrait des forces nigérianes. A l’issue de cette période, le Nigeria retirera son administration et sa force de police et le Cameroun reprendra l’administration de la zone ». D’où finalement le dénouement heureux ce 14 août 2008.

A travers le modèle le modèle de règlement pacifique de l’affaire Bakassi, le Cameroun et le Nigeria ont donné une leçon de diplomatie au monde, en s’inspirant certainement de la sagesse africaine basée sur les valeurs de dialogue, de concertation, de tolérance, de coopération de solidarité et de fraternité. Ce qui a permis aux deux pays unis par l’histoire, la géographie et la culture, d’éviter une conflagration armée aux lourdes conséquences humaines et matérielles. Au demeurant, si Paul Biya et Olusegun Obasandjo en tant que dirigeants visionnaires pacifistes et le Cameroun et le Nigeria en tant qu’Etats épris de paix et de justice n’ont pas été nominés Prix Nobel de la Paix, disons-le avec force et fierté que ce mode de règlement de conflit entre deux pays devrait faire école. Pour l’une des rares fois, des tireurs de ficelles dans l’ombre et des marchands d’armes aux aguets représentant généralement des intérêts occidentaux ont lamentablement échoué face à la sagesse calquée sur le modèle de l’arbre à palabres des Africains. Quelle belle leçon d’humanisme !  

Reste maintenant au Cameroun de poser des actions de développement d’envergure pour assurer un peuplement dense et à valeur ajoutée des Camerounais à Bakassi. Autant le dire, quinze ans après cette rétrocession, mieux ce retour de Bakassi dans la mère Patrie, force est de constater et de reconnaître que le développement souhaité, attendu et promis par les dirigeants n’a pas suivi.

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