Secteur d’électricité : KPMG France contesté pour accompagner l’Etat dans la renationalisation d’ENEO
Quelques années après le secteur du transport d’électricité, le gouvernement camerounais a décidé de renationaliser également la production de l’électricité. Un processus qui a pris toute sa forme officielle le 05 septembre 2023, suite à une décision du chef de l’Etat Paul Biya instruisant au gouvernement de piloter le dossier. « J’ai l’honneur de vous faire connaître que les diligences se rapportant au processus de rachat par l’Etat des actions de Actis au sein de la société ENEO seront placées sous la conduite d’un comité interministériel présidé par le ministre des Finances, assisté en cela par le ministre de l’Eau et de l’Energie, et le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire. Le chef de l’Etat prescrit au comité d’accorder une attention particulière au traitement de ce dossier », indiquait le Secrétaire général de la présidence dans un courrier au Secrétaire général des Services du Premier ministre.
Selon des informations, au terme d’un appel d’offres restreint lancé il y a quelques mois, l’Etat du Cameroun aurait opté de s’attacher les services du cabinet d’audit et de conseils KPMG France pour l’accompagner dans le processus de renationalisation de la société Energy of Cameroun (ENEO), filiale la filiale du Fonds d’investissement britannique Actis, le concessionnaire du service public d’électricité chargé de la production, de la distribution et de la commercialisation de l’énergie électrique.
Déjà, certaines sources estiment qu’il faut reprendre le processus d’appel d’offre, celui ayant débouché à la désignation du cabinet français étant « entaché d’irrégularités ». D’après les tenants de dette thèse, « on n’a l’impression qu’il s’agit d’un gré à gré. Pour un dossier aussi important, il est curieux que les services qui pilotent ce dossier ne puissent pas communiquer largement sur le sujet. Ce qu’il faut, c’est un Appel à manifestation d’intérêt (AMI) bénéficiant d’une publicité comme il se doit ». Autrement dit, « on n’avait pas besoin pour le cas d’ENEO de lancer « un appel d’offres restreint qui s’adresse uniquement aux candidats pré-sélectionnés par l’acheteur ». Faudrait-il le préciser, pour ce qui est du dernier cas, « cette pré-sélection est effectuée sur la base du chiffre d’affaires, des compétences professionnelles, des moyens humains et techniques ». Peut-être que c’est sur la base de ces éléments que les autorités camerounaises ont opté pour KPMG France.
Sauf revirement de la situation, il reviendra notamment à KPMG France d’appuyer le gouvernement dans l’évaluation du coût actuel de l’action d’ENEO avant la signature d’un protocole d’accord transactionnel visant le rachat par l’Etat du Cameroun de 100% des actifs détenus par Actis. Avec 44% d’actions au sein d’ENEO, l’Etat du Cameroun entend redevenir l’actionnaire de référence en prenant le contrôle de 51% de parts actuellement détenues par Actis ce qui en fera l’actionnaire de référence avec 95% d’actions contre 5% de parts pour les employés.
Pour l’instant, l’information n’est pas encore confirmée, même si des sources crédibles renseignent que pour racheter les parts d’Actis, l’Etat s’appuierait principalement sur deux entités publiques, en l’occurrence, la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) et la Société nationale de raffinage (SNH). Selon toute vraisemblance, la tâche dévolue au cabinet KPMG France est loin d’être une sinécure au moment où certaines informations font état d’un endettement de plus de 300 milliards de FCFA. Il y a encore quelques semaines, En effet, Actis estimait que le montant des impayés de l’Etat vis-à-vis d’ENEO s’élève à plus de 180 milliards de FCFA (302 millions de dollars) ; un passif qui devrait évidemment compter dans la transaction finale, alors que l’Etat du Cameroun récuse les chiffres avancés par son partenaire britannique.
Plus de vingt ans après la privatisation de l’ex Société nationale d’électricité (SONEL) devenue AES-Sonel suite au rachat par l’Amércain AES Corporation, cette entreprise est tombée dans l’escarcelle du groupe d’investissement britannique Actis dont la filiale ENEO est concessionnaire du service d’électricité depuis une décennie. Finalement l’Etat a opté pour un retour à la case départ, en espérant que le mode de gouvernance permettra de relever le défi.