Vive La Révolution Verte
Sous d’autres cieux, se nourrir est un besoin primaire largement révolu.
Pourtant, manger à sa faim devient l’une des premières difficultés à surmonter pour de nombreux Camerounais. Pour preuve, et selon les données actualisées du Ministère de l’Agriculture et du Développement rural, plus de 3 millions de Camerounais vivent dans l’insécurité alimentaire. Officiellement, 25% de Camerounais ne mangent pas à leur faim. En réalité, le mal est plus profond que cela. Sans exagération, ces chiffres pourraient être multipliés au minimum par deux.
Des sources gouvernementales laissent entrevoir que le besoin du Cameroun en produits vivriers évalué à 4,2 millions de tonnes par an pourrait être couvert à 95% par la production actuelle. Soit ! Ce qui suggère qu’au-delà de la production proprement dite, l’Etat devrait doter les bassins de production d’un certain nombre d’infrastructures de base : l’eau, l’électricité, les écoles, les hôpitaux, et surtout les routes pour faciliter l’écoulement des produits des zones de production vers les zones de consommation. S’il est vrai que la résilience des Camerounais et surtout des seigneurs de la terre est connue, il ne faudrait pas qu’on finisse par leur enlever jusqu’à leur souffle.
Pourtant, le Cameroun avait atteint son autosuffisance alimentaire dès les années 1974-1975, avec le point culminant en 1980, année durant laquelle le pays parvenait à satisfaire 96% des besoins alimentaires de sa population. Le Cameroun récoltait ainsi les bons fruits de la « Révolution verte », une politique de développement axée sur la promotion d’une agriculture vivrière principalement pour nourrir sa population, et d’une agriculture de rente dédiée à l’exportation. Depuis quelques années, non seulement l’autosuffisance alimentaire a disparu du lexique des autorités camerounaises obligeant même les plus thuriféraires à revoir leur langue, mais l’on parle de plus en plus de la malnutrition, de la sous-alimentation, pire, de la famine et de l’insécurité alimentaire. Situation renversante à 180 degrés dans le mauvais sens, malheureusement.
Le résultat ne s’est pas fait attendre puisque le déficit de la balance commerciale est devenu chronique et perpétuellement en hausse pour atteindre 1500 milliards de FCFA par an du fait de l’importation à outrance des principaux produits de consommation. C’est dans ce contexte qu’a apparu dans le discours officiel, l’import-substitution qui consiste à produire davantage localement en vue de réduire des importations. Bonne idée naturellement en espérant que les Pouvoirs publics ne s’enfermeront pas comme d’habitude dans les discours creux et pompeux. L’on s’attend donc à des mesures fortes, efficaces et incitatives pour la matérialisation de cet engagement pourrait permettre au Cameroun de redevenir ce grenier agricole, naguère envié. Il y va de l’intérêt national et de l’avenir de notre pays.
Au demeurant, nonobstant le fait que plus de 60% de Camerounais vivent de l’agriculture, force est de constater que la révolution agricole qui se présente pourtant comme le principal catalyseur du développement constitue l’un des parents pauvres de l’offre politique. Sur les 360 formations politiques légalisées, combien disposent d’une véritable charte agropastorale ? Ce secteur névralgique ne semble pas les intéresser. C’est dire qu’au-delà d’une responsabilité individuelle, il revient aux Gouvernants de créer un cadre propice pour sortir d’une agriculture de subsistance pour en faire une révolution agricole, véritable levier de la transformation économique et sociale.
Autant le dire, une nouvelle Révolution Verte est possible. Elle se présente du reste comme le chemin le plus sûr pour ce Cameroun émergent qu’on souhaite de tous nos vœux.